Guilhem Richard-Delomier

Nous A Quittés Subitement À 33 Ans

 

Guilhem, fils de Serge et de Nicole, est né le 14 février 1972 à Alger. Après ses études secondaires à  Pont St-Esprit et au Theil,  il fait deux IUT, l’un de génie électrique, l’autre de technico-commercial  , il  entre  ensuite à Alstom. comme ingénieur commercial. Il se marie le 6 octobre 2001 à Bourgoin-Jallieu avec Caroline Lacombe. Dans le bonheur ils accueillent Sidonie le 1e août 2004 à Lyon. Le 30 avril 2005 il décède subitement à Buis-les-Baronnies.

 Homélie (extrait) du Père Cyril Farwerck)

Pont Saint Esprit, le 4 mai 2005, veille de l’Ascension.

1 Jn 4, 7-10 ; Ps 129 ; Jn 11, 17-27

                 Frères et Sœurs,

                "Cette église ne s’est pas remplie seulement à cause d’une mort trop tôt survenue, d’une manière trop brutale.

                Notre rassemblement nous dit d’abord quelque chose de ce qu’était Guilhem au milieu de nous. Pas seulement ce qu’était Guilhem mais aussi ce que sont son épouse, sa fille Sidonie et leurs deux familles.

                Avec elles, avec vous, amis, collègues de travail, tous, nous sommes là, avec la douleur de notre cœur. Tous, nous sommes sous le coup de l’épreuve. Et dans cette situation, nous nous découvrons terriblement pauvres : pauvres devant la mort, pauvres devant la vie, le mystère de cette vie qui passe ici-bas, à travers nous, la durée d’un temps.

                Pauvres, nous le sommes tous. Épouse, parents, frères et sœurs, amis aussi. Pauvres, que nous soyons croyants ou non, pauvres, même si nous sommes habités par la foi toute pure et lumineuse qui nous vient de la résurrection du Christ, de celui qui nous redit cette après-midi « Moi, je suis la résurrection et la vie » ; pauvres, nous sommes et pauvres, nous resterons.

                En cette circonstance, je pense pouvoir me faire l’interprète de tous ceux qui sont autour de vous (et aussi de tous ceux qui n’ont pas pu vous rejoindre) pour vous dire, à vous Caroline et à toute la

famille de Guilhem, que malgré notre pauvreté, bien conscients de notre pauvreté, habités par la crainte de ne pas y parvenir, nous voudrions cependant pouvoir faire quelque chose pour vous : au moins trouver les mots, l’attitude, la présence justes. Nous voudrions prendre sur nous, si c’était possible, la peine qui vous écrase pour vous soulager comme le Christ a porté notre misère à tous. Devant cette difficulté, voire cette impossibilité, nous vous demandons pardon, si depuis le départ brutal de Guilhem, époux affectueux et sensible, père attendri devant le fruit de votre amour, nous avons pu manquer de délicatesse. Pardon, si dans les jours, les semaines, les mois qui viennent, en croyant bien faire, nous risquons de manquer de délicatesse. Que l’Esprit Saint, Présence discrète, délicate et toute puissante de la Miséricorde vienne à votre secours. Lui seul est le Consolateur…

 Rassemblés pour célébrer le Sacrifice Eucharistique du Christ, dans ce temps Pascal où se multiplient les Alléluia, en cette veille de l’Ascension, notre pauvreté crie vers Dieu, attend un signe de Dieu, voudrait que Dieu en Personne vienne à notre secours.

Que pouvons-nous faire pour vous, avec vous et les uns pour les autres ? Laisser Dieu faire, nous abandonner, retrouver la profondeur du cœur qui supplie, nous laisser aller à la prière ou nous y efforcer un peu si nécessaire. Dieu lui, ne forcera pas la porte de nos cœurs. C’est un Ami trop délicat, trop respectueux. Mais c’est un Ami fidèle qui attend un signe de notre part. C’est en Lui que nous jetons toutes nos prières, nos souffrances, notre colère peut-être. Et nos questions. C’est à Lui que nous confions Guilhem, que nous vous confions, à Lui que nous nous confions les uns les autres. N’est-ce pas au moins le service que nous pouvons nous rendre mutuellement ? Guilhem lui-même, sans en faire toujours état, était habité par la foi, même s’il se posait toujours des questions. Est-il possible à ceux qui désirent la perfection de ne pas se poser constamment des questions sur tout ?

Tous ceux qui l’ont approché, verront peut-être des regrets naître dans leur cœur et risquent même de se sentir envahis par une forme de culpabilité. Dans le cadre du travail, n’y avait-il pas trop de pression ? Que de reproches nous faisons-nous, parents, épouse, frères et sœurs, tous les amis, particulièrement ceux du dernier jour ? Maintenant que Guilhem n’est plus là, nous prenons conscience de tout ce que nous aurions voulu lui dire, faire pour lui, avec lui et de tout ce que nous aurions voulu éviter. Que de regrets peuvent assaillir nos cœurs

Guilhem au sommet

 à la pensée de tout ce qui nous apparaît aujourd’hui comme des manques d’amour, des négligences, des détails sur lesquels nous n’avons pas voulu passer quand ils se présentaient et qui, maintenant, au regard de son départ, se révèlent cruels et font saigner notre cœur. Combien de peines on s’inflige quand on s’aime ! Et pourtant il faut s’aimer.

On aurait voulu faire plus et avoir le temps de lui demander pardon avant « qu’il ne soit trop tard ». Bien sûr, nous ne sommes pas parfaits. Mais ne devenons pas pires ! Guilhem ne veut pas nous voir malheureux. Il est parti un samedi soir, quatre semaines, jour pour jour, après Jean Paul II, ce Pape[1] qui enthousiasmait sa génération. Ils savent maintenant ce qu’est la Miséricorde. Et comme Dieu, ils se réjouissent de nous pardonner ce que nous avons pu faire contre eux et eux-mêmes nous demanderaient aussi pardon s’ils le pouvaient (Jean-Paul II l’a fait dans son testament).

Guilhem avait aussi son caractère. C’est un peu normal quand on a trois sœurs !

Tout est maintenant dans les mains de Dieu qui veut notre communion. Il nous veut unis entre le ciel et la terre, il veut aussi qu’ici-bas nous soyons plus unis encore, en portant davantage attention à ce qui est plus essentiel, en faisant preuve de plus de délicatesse entre nous. « Dieu est Amour ». Alors aimons-nous les uns les autres, et laissons-nous aimer par Dieu. Rendons grâce à Dieu d’être Amour, d’avoir donné son Fils. Rendons grâce à Dieu pour tout l’amour qui habitait le cœur de Guilhem, amour accueilli, amour donné.

Demain, la fête de l’Ascension   nous aidera à regarder vers le ciel. Pour un amoureux de la montagne, y-a-t-il fête liturgique au nom plus évocateur ? Comme un premier de cordée, Guilhem nous précède sur la route.

Et comme celui qui arrive le premier au sommet, heureux, il attend, en les encourageant, ceux qui sont encore dans l’effort, peinent dans la montée mais espèrent goûter aussi cette joie à leur tour. On ne gravit pas la montagne sans effort, sans se vaincre soi-même et se surpasser un peu. Dans les moments difficiles, ayons le goût de l’effort, surpassons-nous pour vaincre le découragement, les tentations contre la foi. C’est le sommet qui attire. Plus haut encore il y a Celui qui nous attire à Lui et qui envoie sur nous son Esprit Saint. Alors, que la Force promise par le Christ descende sur nous. Guilhem est mort. Le Christ est ressuscité. Guilhem ressuscitera. Telle est notre foi. Elle n’enlève pas la peine mais elle ajoute une immense Espérance, une Espérance qui soulève des montagnes et fait vivre. Amen."

 

 mot de Laurence – Marion – Amélie, le 04 mai 2005 :

                « Guilhem, après ce week-end éprouvant que nous venons de vivre, après ce « pourquoi nous a tu quittés ? » qui restera à jamais sans réponse, nous avons décidé de nous poser une autre question : Comment ? Comment t’accompagner au mieux dans ton dernier voyage ?

                Pour répondre à cette question, tes Sœurs ont décidé de t’écrire une dernière lettre :

                « . Tu étais notre frère dont nous étions fières  et  admiratives. En particulier, nous étions fascinées devant tes photos de montagne et nous écoutions les récits de tes aventures parfois terrifiées , souvent envieuses. C’est comme ça que beaucoup d’entre nous ont voulu suivre tes pas, tu  nous as transmis cet amour de la montagne, le goût de l’effort, du dépassement de soi associé à la prudence, cet émerveillement devant la nature, bref,  le goût de la vie…  La montagne t’a donné des valeurs, notamment celle de l’amitié : en effet, existe-t-il plus belle école que celle d’être encordé avec son ami, lui faisant une confiance absolue. Les amitiés que tu as acquises avec la montagne montre la profondeur des liens tissés pendant tes sorties. Également la montagne t’aura enseigné la simplicité : on ne ment pas ,on ne triche pas en montagne on est soi-même, c’est ce que nous aimions en toi.

Tu seras désormais avec nous dans nos futures aventures et en tant que marraine de Sidonie je prends ta suite pour lui faire découvrir et peut être aimer ? ce qui est ton élément, je l’emmènerai à travers les sentiers sur lesquels tu nous as si souvent guidé.

                Adolescentes, nous te trouvions parfois brutal et distant. Il est vrai que ta place de frère unique était toute particulière. Puis, tu as su nous révéler ton visage d’Amour et de don de soi grâce à ta rencontre avec Caroline qui est devenue ta femme. Ensuite, l’arrivée des enfants dans le famille, d’abord Clémence ta nièce et surtout Sidonie ta petite fille nous ont permis de découvrir un visage d’infinie tendresse et de patience. Ce sont tous ces visages que nous garderons dans nos cœurs.

                Aujourd’hui, Guilhem, tu t’en vas.

Et si nous ne t’avons pas toujours suivi dans toutes tes escapades en montagne ou ailleurs, nous sommes bien tous présents pour ce dernier Adieu où nous voulons vraiment croire que notre douleur sera vaincue par l’ Espérance que nous mettons en Dieu de te savoir en paix auprès de Lui. »

 

 

mot de Sébastien Thiollier - Enterrement de  Guilhem  - Saint Etienne, le 06 Mai 2005 :

                « La montagne dans la famille, nous l’avons connue grâce à François et à Guilhem.

                - Guilhem, c’était le compagnon de bord :     

Pendant les ascensions, il y avait toujours quelque chose : nous étions trop lent ou trop rapide, c’était trop « chaud » ou trop beau. C’était une mouette qui, pendant l’escalade des Calanques de Marseille, l’avait attaqué et lui avait fait un petit trou dans le crâne. C’était sa façon de partager sa passion et de nous apprendre à être prudent.

                - Guilhem, c’était le compagnon d’effort :

A courir devant, il ne s’arrêtait jamais pour faire une pause. Au début, j’ai essayé de ne rien dire et de le suivre dans son rythme. Chaque fois, je suis arrivé décomposé à sa voiture cabossée par la grêle. Pendant le retour, sa bonne humeur communicative me faisait oublier la « bavante ». Sa voix joviale résonnait : « aujourd’hui, on aura pris l’air ».

Depuis quelques années, nous partions plus occasionnellement partager le plaisir d’une journée en altitude. Il s’entraînait moins, et, comme il disait, il « avançait moins ».  Pour lui qui nous a fait découvrir la haute montagne, son Everest s’était déplacé. A présent, il voulait partager avec Caroline, et plus récemment avec Sidonie.

                Mais si nos sommets et nos cordées changent, il restera toujours le compagnon de gaieté que nous avons connu .»


[1] Jean Paul II est mort le Dimanche de la Miséricorde (celui qui suit Pâques) qu’il avait lui-même institué en l’an 2000. Guilhem est décédé un 30 avril, jour anniversaire de la Canonisation de Sœur Faustine Kowalska, la première Sainte de l’an 2000. C’est à sa demande qu’a été institué le Dimanche de la Miséricorde.

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