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Notes Biographiques  sur Hervé Teisserenc

d'après son fils Gérard.

 

        Sa jeunesse de 1898 à 1916.   

      Hervé Teisserenc est né à Lodève, dans la maison familiale, 3 avenue de la République, le 10 novembre 1898, 9° enfant d'une famille de 12.
        Il fait ses études primaires à Lodève. Ses parents lui laissent, à tort, des cheveux longs, contrairement à ses autres frères. Hervé en souffrira car ses camarades de classe le traitent de fille et se moquent de lui. Il n'en sera pas traumatisé à vie cependant!
        Il fait ses études secondaires comme pensionnaire au collège des Jésuites à Sarlat (Dordogne), avec un ou deux de ses frères. Ce collège est réputé pour la rigueur de sa discipline.
        En 1914, à la déclaration de guerre, il a 16 ans et veut s'engager pour suivre l'exemple de ses deux frères Maurice et Hubert, engagés sur le front. Son père lui demande de patienter jusqu'à 18 ans. Il passe son bac.

       La première guerre mondiale 1916 à 1920.

        A 18 ans, il s'engage donc dans la cavalerie montée, les Dragons exactement. Il ne sera guère engagé directement dans la lutte, car lors de cette guerre de position, la cavalerie sert de réserve pour colmater les brèches éventuelles du front. Les cavaliers sont continuellement déplacés sur les arrières et souffrent de ces longues étapes, interminables, de nuit et toujours au pas pour ménager les montures : crampes et ampoules meurtrissent les chairs. Les gradés remontent les colonnes au trot et se reposent inconsciemment. Et, la nuit, un cheval qui allonge le pas et double ses congénères, est un cheval dont le cavalier est endormi !
        Un autre désagrément est l'équipement des cavaliers. Ils ont un mousqueton en bandoulière dans le dos, un sabre plaqué sous la cuisse gauche et… une lance attachée à l'étrier et au bras droit. C'est parfait pour rentrer dans les sous-bois et se camoufler !
        Enfin une dernière difficulté : comment reconnaître son cheval, parmi 30 autres, dans une nuit noire avec interdiction d'éclairer même un briquet ?
        Mais ce ne sont que quelques petites souffrances à côté de l'enfer des tranchées.
        Hervé est nommé maréchal des logis. Il termine la guerre sans encombre, mais il va passer deux ans en occupation en Allemagne, dans la région de Mayence.
        Démobilisé en 1920, il entre à l'École Supérieure d'Agriculture à Angers.

        Installation à Saint Martin et Mariage 1921 à 1939.

        Diplômé de l'École, son père lui donne en avance d'hoirie la propriété de Saint-Martin à 3km de Lodève. C'est une propriété agréable et d'un seul tenant, mais elle est petite (17ha cultivables, 12 de bois) et elle n'est plantée que d'oliviers et de céréales.
        Hervé se met au travail. Il plante 14ha de vigne et en garde 3 de prairies pour l'alimentation des chevaux de labour. Il loue des près au hameau de Campestre où il installe une étable de 20 vaches laitières. Il monte un petit élevage de cochons et organise un grand potager pour l'alimentation familiale et le marché de Lodève.
        Il installe un "ramonet" (contremaître ou premier ouvrier), avec sa famille, et un ouvrier, également avec sa famille, dans deux petites fermes sises sur la propriété. Il embauche un jardinier, un vacher et deux autres ouvriers. Tous ces personnels resteront à son service pendant 30 ans.
        En perspective d'avenir, il achète en viager à sa tante Anne Mazel la propriété de Madières le Bas.
        Enfin, il supervise, au profit de son frère Hubert, le fermier de Combefère.
        En 1923, il épouse sa voisine d'avenue et fille de tisserands, Simone Vitalis : une forte personnalité de 3 ans son aînée. Si les premières années sont difficiles, les suivantes sont les années de pleine production à tous points de vue : 10 enfants naissent en moins de 13 ans!!!
        Au total, avec les 3 domestiques engagés à la maison, 32 personnes vivent sur cette petite propriété.
        Dès l'âge de sept ans, les aînés sont mis en pension à Montpellier au Sacré-Cœur et chez l'Abbé Prévost.


       La deuxième guerre mondiale 1939 -1945. Installation à Lodève.

        Elle apporte son lot de perturbations. Deux ouvriers, dont le vacher, sont mobilisés et les 3 chevaux de labour sont réquisitionnés. Prosper, le frère d'Hervé, lui trouve un cheval réformé parce qu'il mordait. Par la suite un gros motoculteur contribuera aux travaux des vignes.
        Hervé réagit en augmentant la surface de ses cultures maraîchères, l'élevage de ses cochons et la production de lait qui contribueront à l'alimentation de la ville de Lodève.
        L'essence se fait rare. Les véhicules sont cloués au garage. Les liaisons Saint-Martin-Lodève deviennent difficiles.
        De plus, Hervé perd coup sur coup sa belle-mère, Suzanne Vitalis, et son beau-frère , Jean Sartre.
        Il fait alors aménager un vaste appartement dans une ancienne usine attenant au logement de sa belle-mère au 5 avenue de la République.
        Il s'y installe avec toute sa famille et fait désormais le trajet vers Saint Martin deux fois par jour à bicyclette pendant 4 ans.
        Sa belle sœur, Marie Sartre, complètement démunie, occupe le deuxième étage. Hervé lui fait largement profiter des produits de sa propriété.
        En 1943 sa tante Anne Mazel décède. Hervé dispose alors de la propriété de Madières. Mais elle est affermée et il ne peut pas l'exploiter directement.


  
     L'après guerre 1945 – 1968.

        Les ouvriers mobilisés ou prisonniers rentrent. Les tracteurs remplacent les chevaux et l'exploitation normale reprend ses droits.
        La circulation des véhicules contribue à la détente. Les séjours à Madières sont partagés avec les amis de la famille, terrés chez eux depuis plusieurs années.
 Les aînés quittent le foyer : deux iront même combattre en Indochine et en Algérie, deux autres sortent d'une École d'Agriculture.
        Hervé tente une association avec l'un d'entre eux pour exploiter la propriété de Saint Martin. Ce dernier, pendant 7 ans (1959-1966), travaillera avec son père. Mais il préférera prendre son indépendance et s'installer dans le Tarn.

       La retraite 1968 – 1979.

        Désormais Hervé, qui a 70 ans, songe à prendre sa retraite. Pour constituer une rente à sa femme (elle lui survivra pendant plus 15 ans), il vend la moitié de sa propriété de Saint Martin et afferme l'autre moitié. Il afferme également sa propriété de Madières à son frère Guilhem.
        Il se lance alors dans le travail du bois. Il fait tailler des pièces de meubles, surtout des tables basses, par un menuisier, puis il les monte et les finit lui-même.
        Jusqu'au dernier jour de sa vie, il entretient seul les parcs de Saint Martin et Madières.
        Il décède à Montpellier le 30 avril 1979 à l'âge de 80 ans.

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Portrait de l'Homme

        A l'issue de cette brève biographie, il me semble intéressant de brosser un portrait succinct de l'intéressé. Les propos suivants n'engagent que moi.
        Hervé avait, avant tout, un tempérament calme. Il ne levait jamais la voix. Il prenait le temps de réfléchir avant d'arrêter ses décisions. "On" le disait plein de bon sens et de bon conseil.
        C'était un fumeur de pipe qui savait goûter le temps présent. A ce sujet, il nous a raconté que sa femme le suppliait, au début de son mariage, d'arrêter de fumer. Il avait obtempéré et était devenu si nerveux et odieux que c'est sa femme elle-même qui lui a rapporté sa pipe et son tabac pour l'inciter à fumer !
        Il était gai et maniait un certain humour farceur et caustique. Ce qui provoquait des réactions réprobatrices de sa femme. Laquelle racontait, en petit comité et loin de son mari, des histoires encore plus croustillantes!
        Il aimait raconter des histoires en patois local, car il le parlait couramment et le partageait avec les gens du pays, du moins jusqu'en 1945.
        C'était un amoureux de la nature. Nos oreilles résonnent encore des bruits de fourchette de ses petits déjeuners pris sur la terrasse de Madières en solitaire avec son chien à ses pieds tout en contemplant le paysage au lever du jour.
        C'était un homme d'ordre et de travail bien fait. Ses dossiers étaient rangés avec soin et son passe-temps favori était le jardinage. Les parcs de Saint Martin et Madières, qu'il entretenait lui-même, étaient toujours impeccables et tirés au cordeau. Qui ne l'a vu à Madières passer des journées entières à tailler avec amour ses haies de buis? Il entretenait aussi, sur le tard, un potager à Saint-Martin.
        Ses distractions favorites étaient la pêche et la chasse. Au début de son mariage, il pêchait souvent la truite dans la Lergue au-dessus de Pégayrolles et chassait dans les causses désertiques des environs de La Vacquerie. Il ne craignait pas la solitude et chassait seul des journées entières.
        Mais c'est à Madières qu'il déployait ses talents de chasseur au chien d'arrêt avec son frère Guilhem. Ils chassaient avec succès tous les petits gibiers : lièvre, lapin, perdreau, caille et même bécasse. Les parties de chasse, auxquelles nous participions, après la guerre, étaient le sel de nos vacances.
        Toujours affable et tourné vers les autres, on peut en conclure que c'était un véritable "honnête homme" (tel que définit au XVIIe siècle).

Le Rivanel, le 24 février 2002

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POUR LE BULLETIN FAMILIAL

DE LA PART DE SOLANGE TEISSERENC :

 L’année 2003 marquait mes 50 ans de vie religieuse, ce qui m’a invitée à relire un peu ma vie pour y découvrir Dieu à l’œuvre, ce travail m’a apporté beaucoup de joie et m’a conduite à vivre une grande action de grâces qui s’est concrétisée le 28 juin dans la célébration eucharistique où certains d’entre vous étaient présents. Merci encore !

Je ne vais pas vous accabler de cette relecture, mais j’ai envie de vous faire partager quelque chose. Bien sûr, je suis revenue sur mon enfance heureuse  au cœur de la famille ; c’est là que ma vocation est née et a grandi. J’ai alors revu le visage de mes parents, ce que j’ai vécu avec eux, ce qui m’a marquée.

J’ai aimé relire  quelques lettres que j’ai conservées à cause de leur contenu. Je trouve que c’est un « trésor », aussi je vous en livre simplement quelques extraits, sans commentaire. Ces lignes font sentir où papa et maman mettaient leur priorité , leurs valeurs et permettent de pressentir la profondeur de leur vie spirituelle et intérieure :

EXTRAITS DE LETTRES DE PAPA :

 

 

En juillet 1957, alors qu’il revenait d’une retraite de 5 jours :

 … « Je viens de vivre, ma chère enfant, les plus beaux jours de ma vie… Je remercie le Bon Dieu les larmes dans les yeux de la grâce immense qu’il m’a faite, et que j’attribue au grand sacrifice de nos trois chères enfants…. »

 En janvier 1958 : 

 … « Le Bon Dieu, depuis qu’il a choisi trois de nos filles comme épouse, me comble de ses grâces, mais plus il se fait connaître à mon âme, plus exigeant il devient. Par tes prières, aide-moi à m’élever tous les jours davantage, et que je Lui prouve mon amour par des efforts constants à faire ce qu’il me demande… »

 Noël 1962 :

 « … J’ai besoin de tes prières : demande à notre Divin Maître de me soutenir sur la fin de ma carrière, qui aurait dû être, après tout ce que j’ai reçu de Lui, plus riche et plus méritante ; et pour que je parvienne de plus en plus à m’effacer, recherchant le bonheur des autres plus que le mien propre. »

 Février 1964 (après l’accident de voiture  à Rognac, de Monique avec ses 6 enfants) :

 « Les desseins de Dieu sont impénétrables, mais nous savons que c’est Lui qui conduit tout et toujours pour notre plus grand bien. Donc inclinons-nous et prions Le pour que de ce grand malheur, il sorte un plus grand bien. Sans cette confiance et notre soumission à sa Volonté, la Vie , à certaines heures surtout, ne vaudrait pas d’être vécue. »

 Noël 1963 :

 «Que le Bon Dieu vous accorde pour toi-même et tes filles [ndlr. tes élèves], ce dont vous avez le plus besoin pour votre propre bonheur mais aussi et surtout pour Sa plus grande gloire. »

 Noël 1964 :

 « Ma pensée te rejoindra aux pieds de notre Divin Maître et je le prierai pour toi et ta nombreuse famille, pour toutes tes intentions, pour qu’il te soutienne dans ta vocation au service des autres, de toutes tes charges et responsabilités. Je le remercierai également de toutes ses bontés à notre égard car Il nous a comblés en nous donnant dix enfants, tous pleins de délicatesses et de tendresses, nous accordant cet immense honneur d’en prendre trois à son service… »

 Noël 1965 :

 «Un mot pour te dire mon affection et mon union en cette nuit merveilleuse où Dieu nous fit cet extraordinaire cadeau : son Fils Jésus. Qu’Il t’apporte Paix, Joie et Espérance et que dans la joie, ensemble, nous l’adorions et lui disions merci d’être venu au milieu de nous pour nous faire connaître le Père….

Nous serons seuls avec ta mère pour célébrer une des plus belles fêtes de notre Église ; nous en profiterons pour mieux prier dans le calme et nous unir à tous nos enfants dans le recueillement sans oublier tous ceux qui nous ont déjà quittés, nous suivent du haut du ciel et nous attendent…

Je vais mieux et en remercie le Seigneur, mais prie le bien pour moi pour que jusqu’à la fin, je vive dans la joie en triomphant des attaques du découragement… »

 Septembre 1968 : (45 ans de mariage)

 « Je garde un souvenir inoubliable de cette journée : et ce qui m’a le plus frappé et procuré en même temps le plus de joie, c’est l’entente parfaite qui a régné entre tous, frères, sœurs et belles sœurs. Puisse en être ainsi tout au long de notre vie. »

 QUELQUES EXTRAITS DE LETTRES DE MAMAN

 

Mars 1979 :

 « Tu as bien ressenti, ce que moi j’ai ressenti pour cette donation partage. C’est le détachement des choses d’ici-bas. A mon âge, on peut se détacher puisque la terre ne m’appartiendra plus bien longtemps. Que ne ferait-on pour ses enfants, c’est donc dans la joie et la paix qu’on fait abandon de bien des choses…..; comme je plains ce qui n’ont pas la foi. »

 Novembre 1982 :

 Le 2 novembre, je suis allée dire mon chapelet au cimetière où je suis allée à pieds. J’avais le temps, j’ai pu prier tranquillement pour tous ceux qui nous ont quittés. Dans cette petite maison on ne doit pas être mal ; mais en sortant j’ai trouvé que la vie était encore belle et qu’il fait bon vivre. Quand le Bon Dieu voudra et qu’il me prenne bien près de lui. En

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