Léon TEISSERENC de Bort

Un grand savant peu connu du  " grand public "

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PAR EDMOND DE SEZE, SON ARRIÈRE NEVEU

 

  Frère cadet d’Edmond Teisserenc de Bort dont le portrait a paru dans " La Vie à la Campagne " reproduite dans le Bulletin familial 2000/2001 à la page 38, Léon est né le 5 Novembre 1855 à Paris.
   D’une santé délicate dans son enfance, il est instruit par un précepteur qui lui donne le goût des sciences si bien qu’à l’âge de 23 ans, il entre au Bureau central météorologique qui vient d’être créé et dont il devient le chef de 1880 à 1892.
   Rassemblant des faisceaux d’observations provenant du monde entier, il décèle le rôle de " centres d’action " appelés maintenant " dépressions ", il publie 16 mémoires en 1893 et dirige les publications de la Société météorologique de France 
   Dès 1892, à l’âge de 37 ans, il débute des campagnes d’observations météorologiques dans les pays nordiques puis, successivement sur 2 bateaux personnels qu’il fait aménager à ses propres frais. Il fait des campagnes d’observations intéressantes.
    Mais l’importance des découvertes qu’il perçoit se heurte vite à la routine des services officiels , et l’amène à créer à ses frais un observatoire personnel à Trappes.
   Le problème est alors de rechercher les pressions , les températures et les vitesses des vents à haute altitude.
    Il a l’idée, avec un savant suédois, Hildebrandsson, de classifier les nuages et en établit un atlas à l’aide de 4.000 clichés. Cet atlas, avec les noms attribués aux nuages est toujours en vigueur dans le monde entier.
    Les observations en altitude commencent avec des cerfs-volants. Il invente des treuils orientables, des trains de cerfs-volants qui au bout de 12.000 mètres de câble, emportaient leur lot d’appareils. Les accidents étaient fréquents, la chute du matériel et surtout du câble causèrent des incidents… 
   Il eut ensuite recours à des ballons de 3 à 8 mètres de diamètre, gonflés à l’hydrogène et munis de parachutes. L’altitude maximum atteint le 19 Décembre 1906 était de 28.750 mètres….
 Les appareils étaient installés dans une petite nacelle en osier d’environ 60 cm de long qui atterrissait dans la nature. Une modeste récompense était promise pour sa réexpédition  à l’observatoire et , aussi incroyable que cela puisse paraître, près de 90% des instruments furent retrouvés.
   1.116 ballons sont ainsi lâchés entre Mai 1898 et 1912, date de sa mort. De très nombreuses communications à l’Académie des Sciences jalonnent la progression de ses découvertes.
   Ainsi, le 1er Mars 1909, il confirme sa découverte capitale qui bouleverse toutes les connaissances de l’époque : celle de " l’isothermie stratosphérique " définissant la " Trotopause " marquant l’arrêt des mouvements verticaux des couches inférieures de l’atmosphère et la " Stratosphère " véritable plafond de l’atmosphère terrestre. Ces définitions sont toujours utilisés.
   Cette découverte avait été longtemps combattue et niée farouchement par d’autres scientifiques qui affirmaient que la température décroissait de façon linéaire avec l’altitude jusqu’au zéro absolu.
   C’est dans cette couche iso thermique que circulent  " les jet-streams " courants aériens dans lesquels s’effectuent les vols aériens inter-continentaux.
   L’Observatoire de Trappes avait été acheté et installé par Léon Teisserenc de Bort qui l’a illustré par sa découverte " Les bases de la météorologie dynamique " sur lesquelles s’est développée toute la météorologie moderne.
   A la mort de Léon Teisserenc de Bort, le 2 Janvier 1913, ma Mère, sa nièce, en hérita puis en fit don à l’État.
   L’observatoire se développa lentement jusqu’à l’après 2ème guerre mondiale ; déjà l’essor de l’aviation (première traversée de l’atlantique par Lindbergh ) montrait la nécessité de meilleures prévisions et d’un réseau d’observations plus dense.

 


   Trappes est maintenant le premier observatoire météorologique de France et il a acquis une réputation mondiale pour la vérification des instruments de mesure et de météorologie.
   L’observatoire Teisserenc de Bort, situé en bordure de la gare de Trappes, a fêté avec éclat le centenaire de sa création le 30 Mai 1996 auquel ma famille a été conviée. Au cours de cette journée, comme au cours d’une visite précédente, j’ai constaté avec beaucoup de satisfaction que le souvenir de Léon Teisserenc de Bort, est resté très vivace et ses découvertes de pionnier bien connues de tous les météorologistes.
   Dans notre famille, il a aussi laissé des souvenirs que m’a racontés ma Mère qui l’avait bien connu dans sa jeunesse.
   Très tôt, son goût pour les sciences et la rigueur l’avaient amené à faire quelques tentatives de rationalité en élevage à l’exemple de son Père qui avait rénové de façon spectaculaire la race bovine et l’agriculture Limousine.
   Léon avait créé un enclos avec cages d’élevages pour la production de faisans de chasse ce qui était inhabituel à l’époque. Dans deux fermes de la propriété de Bort,: La Feuillée et Le Plateau, il tenta de rationaliser l’élevage, notamment des porcs qui constituaient à la fin du 19ème siècle, une importante production du Limousin.
Ainsi, il créa un élevage de porc " hors sol " devançant de près de 80 ans, les méthodes actuelles : Silos à légumes enterrés se remplissant par l’extérieur, wagonnets sur rails avec bascule de pesées et plaques tournantes pour alimenter une batterie de cuiseurs et distribuer ensuite la nourriture aux porcs dont les cases étaient numérotées avec des plaques émaillées.
   Sans doute, trop attiré par les nuages, Léon surveilla peut-être un peu distraitement ces élevages qui périclitèrent.
   Il avait ménagé dans les bâtiments agricoles de Bort, un petit laboratoire de chimie, dont il nous reste, sauvés de l’abandon, quelques fours et creusets en terre, un alambic de laboratoire en cuivre rouge, superbe, des cornues en terre et en verre ainsi que des fioles bouchées à l’émeri, dont l’usage ne nous paraît pas évident pour des recherches météorologique.
   Ma Mère me racontait que son Oncle lui avait apporté un jour un flacon de verre irisé bien bouché renfermant de l’air capté à très haute altitude par un ballon.
   Nous conservons à Bort, quelques unes des publications de notre grand oncle et surtout deux gros albums dans lesquels sont collées toutes les coupures de presse relatant ses péripéties et expériences, communications à l’Académie des Sciences ..etc. , qui jalonnent ses travaux (collationnés par ma Mère, sa nièce).
   Enfin, quelques souvenirs personnels tels que ses uniformes de l’Académie des Sciences et de Membre de l’Institut , ainsi que son chronomètre suisse en or qu’il portait toujours sur lui et une douzaine de médailles honorifiques attribuées par des organismes Français et Étrangers.
   En conclusion, on peut dire, que si le souvenir de Léon Teisserenc de Bort est encore si présent, c’est par son invention de la " Météorologie Dynamique " à une époque ou l’on se contentait de constater statiquement les phénomènes. Depuis , les progrès très importants de la Météo ont surtout résidé dans la multiplicité, l’instantanéité des observations, et leur traitement par ordinateur.
   Restent à trouver les grandes lois de la dynamique des climats qui mettent en jeux l’évolution de notre planète.

   Edmond de Sèze
Bort - 87480 St-Priest-Taurion
Avril 2001

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