MA PROVENCE

 PAR DENISE PAULTRET DE LAPOMMERAYE

[x HUBERT TEISSERENC]

[Texte transmis par Mireille Ansado en 1998]

                 


Mon sang, ma descendance et moi, nous sommes nés où souffle l’esprit . Mon mari est de l’autre côté de la Vallée du Rhône, méridional comme moi, nous nous sommes appréciés et compris.

       Nulle autre région de France n’est aussi privilégiée que la nôtre. Le soleil y luit mieux, plus régulièrement qu’ailleurs. D’où l’équilibre de notre sang, de notre jugement.

       La Méditerranée est là, tout près, qui, au long des siècles ne nous a apporté que de la Beauté. Des guerres, peut-être, quelques unes sanglantes il est vrai, mais toutes pour un idéal : croisades, conquêtes de l’esprit, lutte contre des pillards et des Infidèles, jamais pour des biens terrestres et avilissants.

       Mon mari, le père de mes trois enfants, était né de l’autre côté du Rhône, la rive droite, région déjà plus influencée par l’appât des biens de ce monde, de la lutte pour la vie terrestre, mais y a échappé, lui et les siens, grâce à l’âpreté de son climat et à l’histoire contée par des vieilles pierres et toute la nature torturée par les guerres de religion, guerres d’idéal encore et non pas guerres de commerçants.

       Là où souffle le désintéressement et l’esprit, là est la vie. Plus près de l’œuvre créatrice de Dieu, qui méprise et nous a appris à mépriser le confort humain et les biens matériels ; quels échanges plus élévateurs y a-t-il que ceux qui nous sont offerts par la conversation et la pensée toute simple le plus souvent exprimée en patois malhabile des bergers de chez nous ? ces braves gens que les Marie-Chantal  trouvaient malodorants  ont fait ce qu’elles ne savent pas faire : ils ont pensé, réfléchi longuement sur les vanités de ce monde. Ils appellent les étoiles par leur nom, la nature est leur amie. Philosophes sans le savoir, ils sont plus près de Dieu que ceux qui les méprisent ou s’en moquent. Ma mère aimait leur conversation.

       Cependant que parisienne raffinée, imbue et de sa naissance et de son sang bleu, mais très bonne en  dépit de sa fantaisie, quelquefois un peu farfelue, très sage, elle savait, elle, ce que valent les gens de salon et pire encore, ceux que la fortune a enlaidi, moralement s’entend. Car, pour ce qui est de l’extérieur et de tout ce qu’il faut pour « paraître », chacun sait que l’argent y joue un rôle primordial...

      Voilà pourquoi je suis tellement à l’aise dans mon pays ensoleillé qui l’a compris avant les autres.

       Voilà pourquoi je pleure journellement l’abandon volontaire que j’ai fait de ces régions  merveilleuses, où la moindre station de l’être le moins cultivé, le plus simple, à l’ombre maigre d’un mûrier, ou d’un olivier , devient une méditation fructueuse. Comme je regrette mon Pays, où tout est clair dans le Ciel et dans les Coeurs.

       Pourquoi j’aime le Pays Basque ? Parce que, très vite, j’y ai retrouvé cette même gaieté franche et saine qu’en Provence, avec l’amour du clocher et la crainte de Dieu...

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